Domaine d'application :
Espace public
De nombreuses collectivités se lancent dans des projets de renaturation et de plantation d’arbres, et se font parfois accompagnées par des prestataires externes pour ce type de projets. Nous nous intéressons ici à plusieurs projets qui ont été accompagnés par le bureau d’étude en génie écologique Treeseve, mais il existe de nombreux bureaux d’étude sur ce sujet.
La méthode de reforestation proposée : renaturer des terrains inutilisés
Treeseve, une société spécialisée dans les projets de reforestation en régions urbaines, ou « îlots forestiers urbains » a été créée en avril 2020 pour conseiller les collectivités et agir en tant que maître d’œuvre. La société a dû arrêter ses activités en juillet 2023 par manque de rentabilité. La démarche avait pour but de créer des refuges de biodiversité et de rétablir des fonctions écosystémiques en renaturant des terrains inutilisés par les collectivités (comme des délaissés ou friches). Une plantation d’arbres offre notamment une meilleure rétention en eau, et permet de réduire la température dans des contextes de régions urbaines exposées au phénomène d’îlots de chaleurs.
Treeseve a expérimenté une méthode qui s’inspire de l'approche de plantation du professeur botaniste japonais Miyawaki : des plantations de haute densité (3 plants au m² et de différentes strates) et de haute variété (20 à 40 espèces), ainsi qu’un travail important de paillage (composé de déchets de bois) pour conserver l’humidité du sol et économiser la ressource en eau. Les conditions climatiques sont aussi prises en compte via le choix d’essences végétales locales et une attention portée à la résistance de ces dernières au changement climatique.
Il est prévu une continuation du suivi de l'évolution des écosystèmes créés, à l'aide de parcelles témoins de 50m².
Ce suivi a pour but d’améliorer et de formaliser la méthode de plantation au fil du temps.
En
mai 2023, Treeseve aura ainsi planté près de 269 000 arbres dans 18 villes avec l’investissement de 160 entreprises.
La particularité du projet était de protéger les espaces plantés grâce à la signature d'un contrat O.R.E. avec les collectivités
La
loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 a permis de créer le dispositif d’Obligation Réelle Environnementale (O.R.E).
Le dispositif a pour objectif d’attribuer un engagement contractuel de protection de l’environnement à un bien immobilier.
Les avantages de l’O.R.E sont multiples :
- L’engagement ne cible pas le propriétaire, mais le bien immobilier. Cela implique qu’un changement de propriétaire ne fera pas peser de risque d’abandon du projet de reforestation en cours. Par ailleurs, il faut bien noter que le propriétaire reste bien possesseur de son bien.
- Les engagements liés au contrat O.R.E ont pour but de s’inscrire dans la durée. C’est pourquoi, si la perpétuité est interdite, le contrat peut aller jusqu’à 99 ans.
- L’O.R.E peut s’adapter à des engagements environnementaux de types différents (protéger la faune, conserver la biodiversité, etc…). Les engagements du propriétaire donnent d’ailleurs lieu à une contrepartie de leur co-contractant (expertise technique, réalisation de travaux, etc…).
- Le dispositif étant un contrat, il est possible d’affilier des obligations actives (de faire, ex : planter des arbres) et passives (de ne pas faire : ne pas détériorer des éléments déjà présents).
Le contrat O.R.E peut également être utilisé dans le but de compenser les atteintes à la biodiversité provoquées par d’autres projets. Il faut cependant rappeler que c’est une mesure de dernier recours et qu’il est primordial de mettre en priorité la non-détérioration de l’environnement lors d’un projet d’aménagement.
Quels sont les types d'aménagements compatibles avec la signature d'un contrat O.R.E. ?
La mise en place d’un contrat O.R.E ne se limite pas à la création d’îlots forestiers urbains ou à de très grandes surfaces. En théorie, un large spectre de biens immobiliers peut faire l’objet d’une Obligation Réelle Environnementale car il suffit que ceux-ci abritent des milieux naturels ou encore qu’ils servent de zones tampons entre des zones urbanisées ou des zones à haut potentiel de biodiversité.
A titre d’exemple, des rivages abritant des milieux favorables à certaines espèces ou encore des murets servant de refuges peuvent être des éléments susceptibles de donner lieu à une O.R.E.
Des exemples d'engagements du contrat O.R.E. dans le cas de la création d'îlots forestiers urbains
Dans le cadre de la réalisation de ce type d’aménagements, cherchant à recréer un milieu naturel, favorisant la biodiversité et nécessitant un long développement, il y a un grand intérêt à ce que le contrat d’Obligation Réelle Environnementale s’inscrive dans la durée. Un contrat allant sur plusieurs dizaines d’années, et de préférence jusqu’à 99 ans est donc à privilégier.
Exemple : le protocole de l’entreprise Treeseve demandait plusieurs engagements au propriétaire du bien, comme une collectivité :
- Protéger les îlots forestiers par des grillages afin d’éviter la dégradation par des petits animaux (lapins) les deux premières années
- Mettre en place un système d’arrosage pour les 2 premières années afin d’aider au développement de la plantation. Ce système pourra également être utilisé en période de stress hydrique
- Bénéficier d’une assurance ou auto-assurance (incendie, tempêtes)
- S’engager à ne pas exploiter ni réaliser de coupes sur 99 ans
En contrepartie, le co-contractant (exemple de Treeseve) s’engage également :
- A agir en tant que maître d’œuvre et à réaliser les plantations
- A chercher des financements auprès des entreprises locales quand la collectivité ne peut pas tout financer
- A réaliser un suivi scientifique sur plusieurs années
D’autres types d’engagements, comme la modalité d’entretien des parcelles par la collectivité, peuvent être introduits.
Mobiliser les entreprises et les prestataires locaux dans le financement et les travaux de renaturation
Afin d’aider les collectivités à financer leurs projets de reforestation,
les entreprises locales qui souhaitaient mettre en place une démarche RSE ou celles pour qui la RSE était déjà une réalité peuvent être mobilisées. Un investissement dans la création d’un îlot forestier urbain peut alors être valorisé au titre de la biodiversité et de l’ancrage local.
Pour la méthode Treeseve, le financement de l’îlot forestier urbain par les entreprises a permis de multiples rencontres avec ces dernières pour les sensibiliser aux questions de climat et de biodiversité et leur expliquer le projet en lui-même.
Faire participer la population aux actions de plantation
Les travaux des projets de plantations initiés par l’entreprise Treeseve ont également été l’occasion de mobiliser les établissements et entreprises locales. Il est donc fait appel à des prestataires pour le travail du sol et
il est favorisé l’emploi de travailleurs venus d’entreprises et d’associations d’insertions ou encore d’établissements ou services d’aide par le travail (ESAT).
La période de travaux est l’occasion de
faire participer les citoyens et les entreprises co-financeuses aux plantations et de les sensibiliser aux questions de biodiversité.