Aménager des "Rues aux écoles" pour piétonniser et végétaliser l'espace public: l'exemple de Paris
Depuis l'été 2020, la Ville de Paris s'est engagée à piétonniser et végétaliser 300 rues dans le cadre du projet "Rues aux écoles". En plus de sécuriser l'accès aux écoles, les rues deviennent des espaces apaisés et des îlots de fraîcheur au coeur du milieu urbain et contribuent à réduire la pollution de l'air à proximité des écoles.
Privilégier les piétons et les espaces verts dans le milieu urbain
La désimperméabilisation des sols et la renaturation urbaine sont des actions essentielles dans l'adaptation au changement climatique (gestion des eaux pluviales, question de la surchauffe urbaine, etc.)
Les "rues aux écoles" font également office d'espaces sécurisés et apaisés pour les citoyen·nes et permettent d'apporter de la biodiversité en ville.
Points forts
Mettre l'école au coeur du quartier
Création d'îlots de fraîcheur au coeur de l'espace public
La rue est un espace primordial dans la vie des citadin·es. Elle permet aux habitant·es de circuler et de se retrouver dans des espaces de rencontres.
Cependant, aujourd’hui, les rues restent très imperméabilisées et donnent la priorité aux véhicules thermiques. A proximité des écoles, un fort trafic représente également un enjeu important pour la qualité de l'air. Afin d'apaiser et de transformer ces espaces, la Ville de Paris a lancé le projet des "rues aux écoles" à l’été 2020 avec pour objectif affiché de faire de l’école le centre du quartier, en piétonnisant les rues adjacentes et en les végétalisant ensuite. Cet objectif répondait à plusieurs considérations :
Améliorer la qualité de l'air aux abords des écoles
Rendre la rue plus sûre pour les enfants, mais aussi pour le reste des piétons
Transformer la rue en espace de rencontre
Végétaliser l’espace urbain pour créer de nouveaux îlots de fraîcheur, dans la continuité du travail sur les cours d'école Oasis
Les rues aux écoles végétalisées
Sur la mandature, qui touchera à sa fin en 2026, la Ville de Paris a annoncé vouloir atteindre 300 rues aux écoles réalisées en intramuros.
Les rues aux écoles peuvent être apaisées avec des tronçons piétonnisés, une limitation de la circulation, etc. mais certaines d'entre elles vont plus loin et font l'objet d'un aménagement complet de la voirie. Ces aménagements se font prioritairement pour les rues avec des absences d'espaces verts à proximité, qui n'ont pas d'îlots de fraîcheur à proximité, et qui présentent un enjeu important de qualité de l'air. Les rues étroites et petites, les impasses, les voies peu circulées, sans entrées de parkings privés, arrêts de bus etc. peuvent également être plus faciles à réaménager notamment en terme d'acceptabilité sociale des projets.
Mi 2024, 205 rues étaient apaisées (donc piétonnisées, avec peu ou pas de circulation) et 56 rues aux écoles complètement transformées et végétalisées. On s'intéresse ici à ce dernier type de rue aux écoles
A quoi ressemble une rue aux école végétalisée ?
Pour la ville de Paris, il y a eu la volonté de créer une véritable identité « rues aux écoles » afin qu’elles soient reconnaissables. Les rues aux écoles végétalisées sont totalement transformées pour répondre à une esthétique commune. La chaussée initiale est donc totalement démolie de façade à façade pour réaliser un nouveau un plateau piétonnier.
Un plateau piéton et tapis végétalisé
Les rues aux écoles sont généralement composées d’un plateau piéton, accompagné d’un tapis végétalisé en pleine terre qui peut s’adapter en fonction du contexte de chaque rue mais qui doit faire 1m20 minimum de largeur en général. Il est possible d’avoir un seul, ou bien deux tapis végétalisés en fonction de la largeur de la voie, des contraintes au niveau du sol, etc.
Le plateau piéton fait entre 4 et 5 mètres de large pour laisser un accès aux véhicules de secours, notamment camions de pompiers.
Zones de traversées
Des zones de traversées sont prévues sur le tapis végétalisé en fonction des usages de la rue et pour éviter que les passant·es piétinent les espaces végétalisés. Ces zones sont généralement composées de pavés enherbés.
Revêtements et infiltration des eaux pluviales
Les revêtements choisis sont clairs afin de diminuer l’effet d’albédo et par extension la température des surfaces : c’est généralement un asphalte classique de couleur clair.
La Ville a fait le choix de ne pas mettre en place de matériaux perméables - plus coûteux et qui nécessitent plus d’entretien - mais de travailler davantage sur l’infiltration des eaux pluviales dans les zones végétalisées. Ce choix permet aussi aux concessionnaires de faire plus facilement des reprises si nécessaires. Point d'attention : ces revêtements peuvent très vite se salir (trafic, poubelles...). Des revêtements mouchetés peuvent permettre d'améliorer l'aspect visuel de la rue.
Les surfaces de la voirie sont donc inclinées de manière à rediriger l’eau vers le tapis végétalisé. Dans le nord de Paris ou dans le Marais, l'infiltration des eaux pluviales n'est pas toujours possible à cause de la qualité du sol (présence de gypse, remblais). Dans ce cas, des noues imperméables peuvent être mises en place : sur le même principe que les toitures végétalisées, elles permettent de faire tampon et d'absorber une partie des eaux pluviales.
Végétalisation
Du côté de la composition de la végétation, et toujours afin de garder une esthétique commune à toutes les rues aux écoles, quatre ambiances paysagères sont proposées et sont au choix de la mairie de l’arrondissement concernée (avec les conseils de paysagistes) :
Ambiance forestière
Collection d’érables
Arbres fleuris
Verger ornemental
Chaque ambiance propose des essences variées, et les tapis végétalisés comptent environ 10 plantes au m². Des arbres peuvent notamment être plantés quand la rue est assez large et que les infrastructures souterraines le permettent. Il est préférable de planter des arbres jeunes pour favoriser leur développement. Il faut prévoir 10m d'interdistance entre les arbres. Un arrosage automatique est aussi mis en place, notamment pour garantir le bon développement des plantes et des jeunes arbres.
Mobilier
Concernant le mobilier, des bancs sont généralement installés. Les assises sont essentielles pour permettre l'appropriation de l'espace. Toujours dans ce principe d’avoir une esthétique semblable entre les différentes rues aux écoles, une gamme de mobilier prédéfinie a été réalisée. Les bancs peuvent être des blocs de granit, ou des bancs généralement plus appréciés, notamment pour les personnes âgées.
Il est aussi parfois nécessaire de rajouter des poubelles.
Fontaines
Afin de déployer de nouveaux points d’eau dans ces lieux publics, des fontaines sont parfois installées dans certaines rues, lorsque cela est possible. A noter que les raccordements au réseau d’eau peuvent être couteux s’il n’y a pas d’arrivée d’eau à proximité.
Protections des espaces plantés
Toujours afin de répondre à une esthétique commune, les espaces végétalisés sons systématiquement protégés avec des lames basses en matéal ajourées de couleur grise.
Les protections sont indispensables et permettent de laisser infiltrer les eaux pluviales et de protéger les espaces plantés du piétinement ou des déjections. Des options à moindre coût existent également, comme les ganivelles en bois, qui sont moins chères, plus hautes et peuvent être posées de manière temporaire.
Marquage ludique au sol
Afin de permettre aux écoliers de s’approprier cette rue et de créer un nouvel espace public, des marquages ludiques au sol sont parfois réalisés. Attention malgré tout à l'entretien car ceux-ci peuvent s'abimer assez rapidement selon les usages.
Impliquer les écoliers dans la démarche
Un partenariat avec le CAUE 75
Dans le cadre du projet « rues aux écoles », la ville de Paris collabore avec le CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) pour travailler sur la concertation avec les écoliers, premiers concernés par ces aménagements. L’organisme propose à des classes d’écoliers plusieurs types d’ateliers sur l’appropriation de la rue (création de maquettes, diagnostics, etc…).
Ce type d’ateliers a pu favoriser la mise en place de certains aménagements dans des rues à piétonniser (bancs, végétalisation). Des marquages ludiques sur le sol ressortent également de ce type d’ateliers (dessinés par les enfants, par des artistes ou choisis parmi un catalogue).
Le CAUE a également pour mission de réaliser des retours d’expériences, sur des thématiques précises comme l’appropriation de l’espace par les enfants, les riverains et les passants.
Le rôle des acteurs associatifs dans la mise en œuvre du projet
L'association RESPIRE : lanceur d'alerte sur la pollution de l'air à Paris
RESPIRE est une association pour l’amélioration de la Qualité de l’Air et la Défense des Victimes de la Pollution. Son principal champ d’action est la lutte contre la pollution de l’air, par la sensibilisation, des actions juridiques ainsi que la publication d’études scientifiques.
A ce titre,avec Alternatiba et d’autres associations, RESPIRE avait lancé la coalition « La Rue est à Nous » entre 2019 et 2020 pour promouvoir la création de rues aux écoles (piétonnisées, voire végétalisées).
L'outil de la carte des écoles polluées a joué un rôle prégnant dans la mise à l'agenda du sujet, car elle a permis d'alerter un grand nombre d'habitant·es et élu·es.
Cet engagement s’est concrétisé par la décision de la Ville de Paris de réaliser 300 rues aux écoles d’ici fin 2026.
Aujourd’hui, l’action de Respire et de la « Rue est à Nous » sur les rues aux écoles consiste à :
Suggérer des rues à transformer à la Ville
Sensibiliser et mobiliser des acteurs locaux (ex : parents d’élèves)
Réaliser un travail de suivi grâce à l’Observatoire des Rues aux écoles, qui vise notamment à répertorier les rues déjà réalisée (à l’aide d’une carte).
Son rôle a donc été prédominant au démarrage du projet pour inciter les élus à agir sur ce type d’espace. L’association continue d’être un acteur à part entière de cette dynamique à travers ses différentes missions de veille et sensibilisation.
Expérimentation de la solution
Visite de la Rue Pierre Foncin, 20e arrondissement
Le 30 mai 2022, une visite de site a été organisée dans le cadre du projet AdaptaVille en présence des services de la Ville de Paris (la cheffe de projet rue aux écoles à la direction de la voirie ainsi qu'une personne des services des espaces verts impliqués sur le projet).
Situation initiale de la rue
La Rue Pierre Foncin accueille une école élémentaire et deux écoles maternelles. Des arbres d'alignement était déjà présents sur un côté de la rue, mais de l'autre côté des places de stationnement étaient présentes sur toute sa longueur. La rue se situe dans un quartier populaire, à proximité du périphérique (enjeu de qualité de l'air) et il y a peu d'espaces verts et d'îlots de fraîcheur à proximité.
Aménagements réalisés
La rue a été piétonnisée et les places de stationnements ont été supprimées. Elles ont été remplacées par un tapis végétalisé composé de plusieurs bandes végétalisées séparées par des traversées. Les traversées apparaissent comme essentielles pour éviter le piétinement des bandes enherbées.
Les aménagements ont aussi permis la pose de bancs en granit et Davoud.
Une fontaine à boire a été installée.
Un asphalte clair a été posé sur l'allée centrale et des pavés enherbés au niveau des traversées. Ce genre d'asphalte permet de réduire de 4 à 6°C la température de surface.
Pour des contrainte liées à un sol gypseux, il n'y a pas pu avoir d'infiltration des eaux pluviales dans les bandes végétalisées à cet endroit.
Du côté de la façade de l’école, les arbres ont été conservés et des bandes végétalisées ont été créées entre les arbres.
Services municipaux impliqués
Dans le cadre de la rue Pierre Foncin, la Direction de la Propreté et de l'Eau s'occupe de l'entretien de la voirie, et la Direction des Espaces Verts de la conception paysagère et de son entretien.
Végétation choisie et arrosage
La Mairie d'arrondissement a choisi l'ambiance paysagère "collection d'érables". Les parterres sont recouverts de 6 à 8cm de Mulch. Ici l'arrosage est fait en goutte à goutte pour ne pas concentrer l'eau sous les arbres.
Implication des écoliers
Dans le cas de la rue Pierre Foncin, le CAUE 75 a réuni, du 7 au 12 mai 2021, des écoliers des trois écoles de la rue (maternelle, polyvalente et élémentaire) lors d'ateliers dans lesquels les enfants pouvaient imaginer les marquages aux sols qui recouvriraient la rue, et ensuite, les peindre directement sur la voie en attendant la réalisation des travaux d'aménagement, pendant la phase d'apaisement de la voirie.
Points de vigilance
La Ville a dû faire face ici à des vols de végétaux suite aux premières plantation. Cela est notamment dû aux fait que les protections sont plutôt basses. Si les principes esthétiques le permettent, il vaut mieux privilégier des protections hautes comme des ganivelles lorsque les plantations sont jeunes.
Retours utilisateurs-rices
Nicolas Vignot, Chef de projet Rues aux écoles à la Ville de Paris
Début mai 2023, nous avons échangé avec Nicolas Vignot, responsable du pôle projet aménagement de la Direction de la Voirie et des Déplacements (DVD) de la ville de Paris, à propos des « Rues aux écoles ».
Quel bilan pour les rues aux écoles ?
A l’aide d’un système d’enquête auprès des habitant·s·es, de la communauté scolaire et des parents d’élèves, Nicolas Vignot nous a indiqué que les premiers retours sur les rues sont très majoritairement positifs.
Nicolas Vignot note quelques retours sur les revêtements clairs et leur salissement (notamment des traces de frein de vélo). Les équipes de la Ville souhaitent mettre en place un moyen de les nettoyer plus efficacement.
Dans certains cas, les riverains ont émis l'idée de végétaliser encore plus les rues aux écoles, ce qui peut témoigner de l'acceptation de ce type de projets.
Et la suite ?
Selon Nicolas Vignot, la ville souhaiterait aussi à l’avenir aménager des « rues aux écoles » aux abords d’autre types de bâtiments : crèches, lycées, universités, conservatoires, etc… L’objectif de la mandature, qui arrivera à son terme en 2026, est d’avoir réalisé 300 rues apaisées.
Co-bénéfices
Co-bénéfices environnementaux :
Biodiversité
Santé & environnement (Pollution de l'air, pollution sonore)
Mobilités durables
Co-bénéfices autres :
Création d'espaces de sociabilisation
Calme urbain
Sécurité
Coûts
Combien coûte une rue aux écoles ?
Si les rues aux écoles ont toutes une esthétique similaire, leur coût dépend tout de même de plusieurs facteurs : surface, type de végétalisation, etc.
La conception des rues est faite en interne par les équipes de la DVD et de la DEVE de la ville de Paris. Le coût d’une rue aux écoles totalement transformée et végétalisée se situerait entre 700 000 et 800 000 euros.
Quelles aides financières peuvent être mobilisées ?
L’Agence de l’Eau Seine-Normandie (AESN) peut octroyer des subventions dans le cadre de l’assainissement des collectivités par temps sec et temps de pluie. A ce titre, les aides peuvent être considérées pour des études préalables aux travaux(comme un test de perméabilité ; jusqu’à 50% des coûts) ou pour les travaux eux-mêmes (jusqu’à 80% des coûts).
La région Île de France propose une aide à la désimperméabilisation des sols grâce à son fond Îlots de fraîcheur. L’aide peut s’appliquer aux études préalables comme aux travaux avec un taux d’investissement de 60% des dépenses (au maximum) et avec un plafond estimé à 30 000 pour les études et 250 000 pour les travaux.
Si le projet de rues aux écoles n’a pas déjà fait l’objet d’un appel à projet de la Métropole du Grand Paris, il peut être possible de mobiliser le Fonds d’investissement métropolitain. Celui-ci octroie une subvention aux projets de renaturation ou d’agriculture urbaine, aux projets contribuant aux mobilités douces et aux projets contribuant à la lutte contre les inondations. L’aide peut aller jusqu’à 50% du coût.
Adapter les aménagements aux réseaux, voies pompiers, contraintes vigipirates...
Si les équipes de la ville ont créé une « formule type » pour les rues aux écoles, l’aménagement reste quant à lui assez dépendant du contexte de la voirie sur laquelle il va être implanté :
Les équipes ont remarqué que les réseaux (électricité, gaz, eau ou encore téléphonie) sont majoritairement sous les trottoirs. Le potentiel de végétalisation se trouve donc surtout sur les bandes de stationnement et sur la chaussée
Le dispositif Vigipirate pose des contraintes sur la composition des plantations, il ne faut par exemple pas avoir de buissons trop touffus, susceptibles de cacher des objets
Les pavés enherbés ne peuvent pas être implantés partout car ils ne sont pas très adaptés aux Personnes à mobilité réduite (PMR) et aux interventions des pompiers
L'acceptation des habitants, notamment concernant la suppression de places de stationnement est également à prendre en compte
Pour faciliter le végétalisation en ville et la création de rues aux écoles, la Ville de Paris avait commandé à l'APUR (Atelier Parisienne d'Urbanisme) une étude sur les espaces publics à végétaliser, publiée en juin 2020.
Comment faire lorsque le sol n'est pas adapté à l'infiltration des eaux pluviales ?
Une étude préalable d'infiltration peut révéler que la composition des sous-sols ne permet pas l'infiltration des eaux dans les espaces végétalisés. La présence de gypse à Paris limite particulièrement cette possibilité. Dans ce cas, les lames basses (qui protègent les espaces verts) sont pleines (et non ajourées) pour empêcher le ruissellement dans les bandes végétalisées, et les eaux sont alors renvoyées vers le réseau d’assainissement.
Mettre en place un travail de prévention et de protection
Les aménagements des rues aux écoles : les bandes végétalisées ou les plants d’arbres par exemple, sont susceptibles d’être fragilisés par le passage de passants ou d’animaux de compagnies. C’est pourquoi il est important qu’un système de protection des parcelles soit intégré, comme des lames basses dans le cas de Paris (à noter que la ville a choisi de ne pas privilégier les ganivelles afin de préserver l'esthétique des rues aux écoles).