Apaiser et végétaliser les rues : l'exemple de Vincennes
Afin de rendre les villes plus agréables à vivre, d'améliorer le confort thermique et de lutter contre les inondations, les rues piétonnisées et végétalisées sont un type d'aménagement pertinent à mettre en place.
La désimperméabilisation des sols et la renaturation en ville sont des actions primordiales qui ont de nombreux co-bénéfices (lutte contre la surchauffe urbaine, gestion des eaux pluviales, etc.).
En ajoutant à cela la piétonnisation, les rues peuvent devenir des zones apaisées pour les citoyens et des réservoirs de biodiversité.
Points forts
La rue comme espace résilient face au changement climatique
La rue est un espace primordial dans la vie des citadins. Elle permet aux habitants de circuler et de se retrouver dans des espaces de rencontres. Cependant, aujourd’hui, les rues restent très imperméabilisées et donnent la priorité aux véhicules thermiques.
Néanmoins, les rues sont de plus en plus considérées comme des lieux à requalifier. Dans le cas où les infrastructures souterraines et adjacentes le permettent, il est intéressant de piétonniser les rues, de favoriser les mobilités douces (comme le vélo) et de végétaliser au maximum ces espaces pour rendre la ville plus résiliente face au changement climatique et pour améliorer la qualité de vie des habitants (confort, sécurité, calme, etc…).
Quelques exemples d’aménagements peuvent être mis en place :
Fermeture des rues aux véhicules (hors services d’urgences comme les pompiers)
Suppression de places de stationnements, ou, à minima, désimperméabilisation de celles restantes
Elargissement des trottoirs
Mise en place de bandes végétalisées auprès des façades et entre les arbres pour favoriser la trame verte en ville
Plantation d’arbres
Mise en place de rues végétalisées dans le centre-ville de Vincennes
Une démarche qui s'inscrit dans une stratégie globale de la ville
Entre le printemps 2021 et fin 2022, la Ville de Vincennes a végétalisé quatre rues du centre-ville qui sont adjacentes entre elles.
La volonté de rendre Vincennes plus résiliente face au réchauffement climatique et d’inclure les citoyens dans le processus est affirmée par la collectivité dans une stratégie de désimperméabilisation et de renaturation (Pacte Ecocitoyen). Ces premiers chantiers tests pour Vincennes se sont avérés positifs car la Ville souhaite reproduire ce type d’aménagements dans d’autres quartiers à l’avenir.
S'assurer du soutien des riverains pour garantir le succès de la végétalisation et l'acceptation de la suppression de places de parking
Avec une logique d’inclusion des citoyens, la ville de Vincennes a consulté les habitants des rues concernées par les projets de travaux (lors de réunions publiques, de quartier, ou directement auprès des riverains), notamment pour régler la question du nombre de stationnements à conserver : en effet plusieurs scénarii étaient proposés incluant la suppression d’un plus ou moins grand nombre de places de parkings.
Les riverains ont choisi les scénarii permettant le plus de végétalisation possible. Néanmoins, les riverains n’ont ici pas souhaité s’impliquer davantage dans la plantation ou l’entretien des espaces planté. Il a également été initié des périodes tests de 3 mois pendant lesquelles la circulation était simulée en fonction des changements apportés par les projets ce qui a permis aux riverains de se projeter.
La conception et la mise en place des rues végétalisées
Pour assister les équipes de Vincennes dans leur projet de rues végétalisées, il a été fait appel au bureau d’étude OGI (Omnium Général d’Ingénierie). Cet accompagnement a permis aux équipes techniques de s’acculturer aux méthodes de désimperméabilisation garantissant la conservation du patrimoine arboré existant.
Expérimentation de la solution
Les aménagements réalisés
Au Printemps 2023, nous avons rencontré Catherine Le Tual, Directrice Espace Public et Cadre de Vie de la Ville de Vincennes, et Nicolas Mallier, son adjoint, qui ont mis en place des rues végétalisées au cœur du centre-ville. Nous nous sommes rendus sur site pour découvrir les projets.
Voici deux des quatre rues aménagées :
La rue Villebois Mareuil
Cette rue emblématique de la Ville, bordée par des cerisiers japonais, a fait l’objet des travaux suivants :
élargissement des trottoirs
suppression de places de parkings
changement de revêtements sur les places de parkings restantes (pavés enherbés)
création de bandes végétalisées entre les arbres
Les travaux de débitumage ont été particulièrement minutieux afin de préserver le patrimoine arboré. Les équipes ont notamment travaillé sur la préservation des racines avec des outils manuels, et des passages réguliers étaient effectués sur le chantier pour s’assurer que les techniques prescrites étaient bien respectées (désinfection, utilisation d’outils manuels).
Bien que quelques places de stationnement aient été conservées et aménagées avec des pavés enherbés, des bandes végétalisées ont été créées sur un côté pour connecter les arbres d’alignement.
De l’autre côté, la végétation a été plantée en pied d’immeuble. Un parking pour vélo (enherbé) a aussi été ajouté pour favoriser ce type de mobilité.
Avec les conseils de la Direction des Espaces Verts et avec l’intention de respecter les écosystèmes locaux, les essences végétales choisies étaient majoritairement indigènes. Quand le réseau souterrain le permettait, des arbres ont été plantés (avec des nichoirs pour certains). Dans les autres cas, des bandes végétalisée sont été créées.
Des plantations de bandes végétalisées en pied d’immeuble ont été réalisées sauf à proximité des soupiraux des habitations. Les pieds d’arbres ont été élargis et aménagés de manière à respecter le système racinaire.
Irrigation
Des arrosages automatiques ont été installés sur tous les espaces végétalisés. Il n’a pas été pris en compte particulièrement les possibilités d’infiltration des eaux pluviales de la voirie sur les espaces végétalisés.
Protection de la végétation
Des ganivelles en bois ont été installées autour des aménagements pour protéger les plantations de détériorations potentielles (passants, animaux). Cette précaution est considérée comme essentielle par les équipes et sont désormais mises en place systématiquement. Avec le même objectif, des chasses-roue ont également été installés près des stationnements. Des grilles ont été installées pour les arbres dont les pieds n’étaient pas végétalisés.
Apaisement de la circulation / Suppression des places de parking
Le plan de circulation a été entièrement revu et testé pendant trois mois. Dans chacune des rues, se sont environ un tiers des places de stationnement qui ont été supprimées. Cette décision a été prise en concertation avec les habitants qui avaient la possibilité de choisir des aménagements moins conséquents pour la suppression des places.
Des aménagements cyclables en double sens, l’aménagement de zones de rencontres ont également permis d’apaiser la circulation.
Revêtements choisis
Les voies circulées sont revêtues d’un asphalte noir pour les raisons suivantes : plus facile à entretenir, moins contraignant s’il y a des reprises de la chaussée que des revêtements clairs, moins coûteux.
Des pavés enherbés de récupération ont été mis en place sur les places de parking à partir de la récupération de pavés sous la chaussée, sciés en 2 ou en 3. Cela permet d’infiltrer l’eau de pluie dans les interstices. Ils sont semés régulièrement car l’occupation des voitures empêche l’herbe de pousser à certains endroits. Certaines places de parking ont été désimperméabilisées avec des revêtements alvéolaires.
Durée des travaux
La durée des travaux a varié selon chaque rue. A titre d'exemple, la rue Villebois Mareuil a pris environ deux mois pour être réalisée.
Retours utilisateurs-rices
Une opportunité d'apprentissage pour le Service de la Voirie et les Espaces Verts
Un projet transversal
Pour les travaux, la direction des Espaces Verts a été très mobilisée, particulièrement dans le choix des essences et dans les plantations.
Un accompagnement externe et impartial
La mise en place des rues végétalisées a eu pour avantage de permettre aux équipes de gagner en compétences et en connaissances sur ce domaine, notamment grâce à l’accompagnement apporté par le bureau d’étude OGI. Avoir un accompagnement impartial et extérieur était un avantage pour faciliter l’intégration de nouvelles pratiques.
De nouvelles pratiques à intégrer
L’expérience leur a permis de changer leurs pratiques mais aussi de porter ces points d’attention auprès de leurs concessionnaires et de leur équipe interne. Par exemple, sur les pieds d’arbre, les équipes ont travaillé à la main, ont appris qu’il fallait désinfecter les grosses racines pour s’assurer qu’il ne restait pas de résidus de polluants dans le sol, évitent désormais de découvrir les systèmes racinaires lors des périodes de chaleur, etc. Les pieds d’arbres ont également été ajustés selon le système racinaire de l’arbre. Une personne sensibilisée à ces pratiques passait sur le chantier deux fois par jour pour s’assurer du bon déroulé des travaux.
La municipalité souhaite pour la suite embaucher une responsable patrimoine arboré pour suivre les prochains chantiers et s’assurer que les bonnes pratiques soient mises en place.
Pas de délais imposés : la clef du succès et de l'apprentissage
La municipalité n’a imposé aucun délai concernant la durée des travaux. Cela est nécessaire car la maîtrise du temps est compliquée et des ajustements doivent continuellement se faire. Par exemple : la maire a décalé les travaux pour permettre de décaler les travaux hors période chaude afin de préserver les arbres.
Un bilan positif pour les rues végétalisées
Selon nos interlocuteurs, les résidents des rues concernées ont bien accueilli la démarche de la ville. Cependant, celle-ci souhaitait, en premier lieu, faire participer les citoyens plus fortement dans la réalisation et l’entretien de la végétation.
Les essais ont convaincu la Mairie d’en réaliser de nouvelles et plusieurs sont à l’état de projets.
Co-bénéfices
Co-bénéfices environnementaux :
Biodiversité
Santé & Environnement (Pollution de l'air, pollution sonore)
Mobilités durables
Co-bénéfices autres :
Création d'espaces de sociabilisation
Calme urbain
Sécurité
Coûts
Combien peut coûter la création d’une rue végétalisée ?
Le coût total d’une rue végétalisée dépend de nombreux facteurs : surface, types d’aménagements prévus, types de végétalisation, etc… Il est donc difficile de donner des chiffres très précis. Néanmoins des exemples de rues déjà mises en place peuvent donner un ordre de grandeur.
D’après la ville de Vincennes, les rues végétalisées ont coûté entre 350 et 450 € HT/m². Une des rues, celle de Villebois Mareuil, a coûté environ 450 000 €.
Des aides financières sont-elles mobilisables ?
Afin d’alléger cette charge, la ville de Vincennes a pu faire appel à une aide financière : le Plan Vélo de la région Île-de-France (apaisement de la circulation, offre de stationnement vélo. Mais d'autre aides exsitent.
L’Agence de l’Eau Seine-Normandie (AESN) peut octroyer des subventions dans le cadre de l’assainissement des collectivités par temps sec et temps de pluie. A ce titre, les aides peuvent être considérées pour des études préalables aux travaux (comme un test de perméabilité ; jusqu’à 50% des coûts) ou pour les travaux eux-mêmes (jusqu’à 80% des coûts).
La région Île de France propose une aide à la désimperméabilisation des sols grâce à son fond Îlots de fraîcheur. L’aide peut s’appliquer aux études préalables comme aux travaux avec un taux d’investissement de 60% des dépenses (au maximum) et avec un plafond estimé à 30 000 pour les études et 250 000 pour les travaux.
Si le projet de rues végétalisées n’a pas fait l’objet d’un appel à projet de la Métropole du Grand Paris, il peut être possible de mobiliser le Fonds d’investissement métropolitain. Celui-ci octroie une subvention aux projets de renaturation ou d’agriculture urbaine, aux projets contribuant aux mobilités douces et aux projets contribuant à la lutte contre les inondations. L’aide peut aller jusqu’à 50% du coût.
Pour entamer des travaux de végétalisation des rues, il est nécessaire de bien prendre en compte les spécificités du sol et des infrastructures adjacentes… L’infiltration des eaux dans par la végétation peut également être déconseillée dans le cas où le sol est composé de gypse ou quand les revêtements sont de mauvaises qualités.
Il faudra donc contacter des bureaux d’études pour réaliser des tests, de perméabilité notamment, pour être sûr de pouvoir planter.
Les premières rues n’ayant pas fait l’objet de tests de perméabilité au préalable, la ville de Vincennes n’a pas pu bénéficier des aides de l’AESN, mais elle a identifié cette opportunité pour les prochains chantiers.
Mettre en place un travail de prévention et de protection
Les aménagements des rues végétalisées : les bandes végétalisées ou les plants d’arbres par exemple sont susceptibles d’être fragilisés par le passage de passants ou d’animaux de compagnies. C’est pourquoi il est important qu’un système de protection des parcelles soit intégré, comme des ganivelles, et que l’accent soit mis sur la sensibilisation des citoyens et des passants à la préservation des parcelles.
Prestataire(s)
OGI (Omnium Général d'Ingénierie)
OGI est un bureau d'étude spécialisé dans les études et les travaux d'aménagements d'espaces publics. Il a notamment accompagné Vincennes dans la réalisation de ses rues végétalisées.
Prestations :
Compétences techniques pour une variété de projets : voirie, réseaux, espaces verts, dépollution, dossiers réglementaires, etc...
Une action structurée autour de 4 départements : Aménagement Urbain, Génie Civil, Eau & Environnement et Espaces Verts
Maîtrise d'œuvre sur la totalité d'un projet : des études de faisabilité aux travaux.
