Récupérer l’énergie des eaux usées dans les égouts pour chauffer ou refroidir les bâtiments

Les systèmes de récupération d’énergie des eaux usées fonctionnent à l’aide d’échangeurs thermiques. En hiver, l’échangeur récupère une partie de la chaleur des eaux usées pour la transmettre à la pompe à chaleur qui peut ensuite chauffer le bâtiment. Tandis qu’en été, la pompe à chaleur réversible utilise l’échange d’énergie avec les eaux usées pour dissiper la chaleur du bâtiment.  


Enjeux d'adaptation

Un système qui soulage le réseau électrique

Très souvent mis en avant pour son enjeu de transition énergétique, la pompe à chaleur (PAC) permet de chauffer ou de refroidir les bâtiments (dans sa version réversible) en utilisant l’électricité.

Cependant, ces pompes à chaleur utilisent une quantité importante d’énergie (même si elles restent plus efficaces que des systèmes de chauffage au gaz ou fioul par exemple).

Récupérer une partie de l’énergie « perdue » des eaux usées semble alors pertinente pour soulager nos réseaux électriques en limitant la consommation d’énergie des pompes à chaleur.
Points forts

Des économies d'énergie grâce à la récupération de chaleur

  • Récupérer de l’énergie gratuite
  • Baisse de la consommation électrique
  • Une énergie disponible toute l’année
  • Une solution 2 en 1 pour chauffer et rafraîchir 
  • Peu d'entretien des échangeurs
  • Longévité des échangeurs de 50 ans
Installation des échangeurs Therm-Liner dans des égouts ©Uhrig Energie
Description de la solution

Récupération de « l’énergie fatale » des égouts

La récupération d’énergie non utilisée jusqu’alors dite « énergie fatale » se développe de plus en plus en France.

Les industriels ont déjà commencé à utiliser cette énergie fatale créée par leur activité principale pour en tirer des bénéfices. On peut donner en exemple les centrales thermiques qui utilisent de plus en plus la chaleur contenue dans les fumées dégagées par leurs activités pour produire de l’électricité à l’aide de la cogénération.

Cette récupération d’énergie fatale dans les eaux usées est d’ailleurs dénommée cloacothermie.  

De multiples solutions de récupération de l’énergie des eaux usées

Les eaux usées peuvent être utilisées pour :

  • Préchauffer les ballons d’eau chaude pour les logements
  •  Apporter une partie de l’énergie nécessaire aux pompes à chaleur pour chauffer
  •  Aider à dissiper la chaleur des bâtiments à l’aide de la pompe à chaleur (rafraîchissement)

Comment récupérer cette énergie ?


La récupération de cette énergie à destination des logements nécessite une pompe à chaleur (PAC) dite « géothermique ». Le procédé est le même que pour de la géothermie de minime importance (basse température).

En réalité, une pompe à chaleur, comme son nom l’indique, ne produit pas de la chaleur directement, mais elle vient « pomper » la chaleur déjà présente dans l’environnement pour la redistribuer.

  • En hiver, la PAC capte les calories contenues dans les eaux usées pour les injecter à l’intérieur du bâtiment.
  • En été, la PAC absorbe la chaleur de l’intérieur du bâtiment pour la dissiper dans les eaux usées.
Dans le cas de la récupération de l'énergie des eaux usées, c'est une pompe à chaleur dite géothermique qui est nécessaire. C’est-à-dire qu’elle utilise de l’eau en circuit fermée, qui échange de l’énergie avec l’eau des égouts, ce qui permet à la PAC de rafraîchir ou chauffer le bâtiment.

«L’avantage d’une PAC géothermique est son COP élevé (coefficient de performance). Une pompe à chaleur classique en possède un autour de 3, tandis que pour une géothermique le COP peut atteindre 5, c’est-à-dire que pour 1kWh d’énergie consommée par la machine, elle pourra restituer jusqu’à 5kWh de chaleur. 


Où récupérer l’énergie des eaux usées ?


En station de traitement des eaux usées :

  • Il est possible de récupérer une partie de la chaleur des eaux usées lors de son traitement avant d’être relâchées dans le milieu naturel. Ces systèmes sont très efficaces puisque l’énergie contenue dans les eaux usées y est concentrée, on peut alors valoriser cette énergie à grande échelle, par exemple, alimenter en partie un réseau de chaleur.
En pied d‘immeuble

  • Dans les grands immeubles d’habitation il est possible d’installer en pied d’immeuble un système de récupération d’énergie. Il existe aussi des récupérateurs de chaleur directement installés au sein d’un logement, parfois même sous le bac de douche, pour capter la chaleur au plus près de son émission. L’avantage de cette méthode est la température élevée de l’eau usée (autour de 35°C), mais les volumes récupérables sont assez faibles. 
Dans le réseau d’assainissement :

  • Méthode par dérivation :
La récupération de l’énergie des eaux usées est réalisée ex-situe, donc hors des égouts. On branche un tuyau à l’égout principal pour récupérer une partie des eaux usées, puis cette eau usée passe dans un broyeur pour éviter d’endommager l’échangeur d’énergie qui va échanger ses calories avec celle de l’eau usée. Cette chaleur est transmise à un circuit d’eau secondaire en boucle fermé qui amène enfin cette énergie à la pompe à chaleur (PAC). L’eau débarrassée de la chaleur par l’échangeur est remise dans l’égout quelques degrés plus froide.

  • Méthode intra-réseau : 
Cette méthode permet de récupérer directement l’énergie à l’intérieur même du réseau d’assainissement. Les échangeurs sont installés dans les égouts et le réseau d’eau secondaire vient récupérer cette énergie dans les échangeurs pour l’amener à la PAC. De cette manière, une intervention moins importante est nécessaire, mais la surface d’échange des échangeurs est plus conséquente.  

Les eaux usées : une source d’énergie permanente ?

La température moyenne des eaux usées en ville se situe entre 10 et 20°C selon les saisons. Dans les villes, l’activité humaine assure l’approvisionnement continu des eaux usées.

Une étude de l’ADEME de 2015 (p27) estimait le potentiel éligible de valorisation de l’énergie contenue dans les eaux usées en Île-de-France à 220 GWh/an en pied d’immeuble, 360GWh/an dans les collecteurs et 520GWh/an pour les stations de traitement des eaux usées.

Or, la consommation en chauffage de l’Île-de-France pour le logement est d’environ 73,5 TWh/an. Ainsi, avec l’énergie contenue dans les eaux usées, il serait possible de répondre à environ 1,5% de la demande en chauffage, soit pour 210 000 habitants.

Expérimentation de la solution

Therm-Liner : une solutuion de récupération de l'énergie des eaux usées intra-réseau

Uhrig Energie est une entreprise allemande de génie civil qui, portée par ses compétences en réseaux d’assainissement, a breveté sa solution Therm-Liner en 2006.
 
La solution développée par l’entreprise Uhrig Energie se présente comme un système de récupération de l’énergie des eaux usées in-situ.
 
  • Cette solution est 2 en 1 pour refroidir ou chauffer un bâtiment.
  • Elle s’utilise avec une pompe à chaleur eau/eau. 

Un déploiement en France qui s’accélère


Présente en France depuis 2010, l’entreprise y a déjà installé une vingtaine d’échangeurs, notamment dans le cadre de l’opération “Degrés Bleu” de Suez, pour un total global de 128 échangeurs installés, surtout en Allemagne.
 
En France, on note des installations sur des bâtiments publics tels que la mairie du XIᵉ ou encore la mairie de Nanterre, mais aussi quelques logements à Marseille ou encore à Levallois. En Allemagne, de nombreux bâtiments privés en sont déjà équipés.  

Therm-Liner principe de fonctionnement


Les échangeurs Therm-Liner sont des échangeurs thermiques in-situ, c'est-à-dire qu’ils sont installés au sein même des égouts. Les échangeurs sont reliés à une pompe à chaleur eau-eau dans un bâtiment afin de redistribuer la chaleur au bâtiment à l’aide d’un plancher chauffant, de radiateurs, de ventilo-convecteurs, etc.
 
Il est aussi possible d’inverser le phénomène pour refroidir le bâtiment, en dissipant la chaleur de celui-ci dans les égouts, si la PAC eau-eau est réversible.  



Principe de fonctionnement des échangeurs Therm-Liner ©Uhrig Energie


Quels sont les critères d’implantation des échangeurs Therm-Liner ?


Il devient intéressant de mettre en place des échangeurs Therm-Liner à partir du moment où le potentiel de récupération d’énergie est supérieur à 50 kW. Le débit d’eaux usées requis est alors d’environ 10L/s, mais cette valeur varie selon la température de l’eau, avec une eau plus chaude que la moyenne un débit inférieur peut être suffisant et inversement.

Le bâtiment raccordé doit être à proximité du réseau d’eau usée équipé, pour des questions de rentabilité vis-à-vis des travaux de raccordement.
Concernant le type de conduit du système d’égout, il est nécessaire que son diamètre soit d’au moins 800 mm pour faciliter l’installation.

Les échangeurs Therm-Liner sont disponibles en plusieurs modèles pour s’adapter à toute sorte de configurations :
 
  • Therm-Liner de forme A pour tous les types de canalisations : rectangulaires, circulaires, etc.
  • Therm-Liner de forme B aussi disponible pour toutes les configurations, mais qui a l’avantage d’occuper le moins d’espace possible pour les canalisations avec des contraintes d’espaces.  

Echangeur de forme A ©Uhrig Energie
Echangeur de forme B ©Uhrig Energie





















Comment se déroule l’installation d’échangeurs Therm-Liner ?

 
  • Après une étude d’évaluation du potentiel et de dimensionnement réalisé par Uhrig Energie, l’entreprise fabrique ses échangeurs en Allemagne dans son usine située dans le land du Bade-Wurtemberg.
  • Les échangeurs Therm-Liner sont alors installés à proximité d’une bouche d’égout. Les modules sont introduits par le regard et sont assemblés dans le conduit.
  • Ils sont ensuite connectés aux circuits d’eau en boucle fermée, lui-même relié à la pompe à chaleur.
  • Le réseau d’eau en boucle fermé nécessite néanmoins des travaux sur la voirie, pour y enfouir à quelques dizaines de centimètres de profondeur le circuit d’eau, isolé en polyéthylène pour limiter les déperditions.

Quel entretien pour un système Therm-Liner ?

 
Les échangeurs Therm-Liner sont dimensionnés pour ne pas nécessiter de maintenance. Le profil des échangeurs est pensé pour éviter toute accumulation de déchets macroscopique en épousant les formes du conduit concerné.
 
Il est toutefois recommandé d’inspecter l’installation tous les 2 à 3 ans pour s’assurer de son bon fonctionnement.  

La durée de vie de ces échangeurs est estimé à 50 ans. 


Retours utilisateurs-rices

L’énergie des eaux usées pour chauffer la Mairie du 11ᵉ et le groupe scolaire Parmentier

En décembre 2024 nous avons pu nous entretenir avec Jeanne Denier, cadre technique de la mairie du 11ᵉ arrondissement de Paris. La mairie du 11ᵉ ainsi que le groupe scolaire Parmentier bénéficient de la récupération de chaleur des eaux usées pour le chauffage depuis 2020.

Pourquoi avoir choisi la récupération d’énergie des eaux usées ? 


Historiquement, la mairie ainsi que le groupe scolaire Parmentier étaient chauffés à l’aide de chaudières à gaz exclusivement. 

Le Plan climat de la Ville de Paris porte la volonté de diminuer le recours aux énergies fossiles pour chauffer les bâtiments publics et de diminuer la consommation d’énergie de ces mêmes bâtiments. 

La solution de récupération de l’énergie des eaux usées permettait d’aborder les deux points à la fois. 

L’énergie des eaux usées est renouvelable, locale (et bas-carbone), de plus la mise en place de pompe à chaleur, bien plus efficaces qu’un équivalent fossile, contribuent à réduire les dépenses énergétiques du bâtiment. 

Un chauffage hybride pour la mairie et l’école primaire


Il a été décidé d’utiliser un système de chauffage hybride pour ces deux bâtiments :

  • La mairie du 11e qui s’étend sur 4 étages (représentant environ 5000m²) 
  • Le groupe scolaire Parmentier, proposant 8 classes pour environ 160 élèves du CP au CM2. 
Dans le cas de la mairie, la chaudière à gaz a été conservée, mais deux pompes à chaleur géothermiques ont été rajoutées. Concernant le groupe scolaire, une pompe à chaleur géothermique a été mise en place et l’école a remplacé la chaudière au gaz par un raccordement au CPCU (réseau de chaleur urbain).

D’une puissance de 80,4 kW, chacune ces pompes à chaleurs sont dimensionnées pour fournir chauffage et eau chaude sanitaire, en récupérant la chaleur des eaux usées. 

Jusqu’à une température extérieure d’environ 5°C les pompes à chaleur se suffisent à elles-mêmes, mais lors de températures plus basses ou de pics d’activités du bâtiments (évènements), la chaudière à gaz se met en route pour compléter la pompe à chaleur. 

L’installation des échangeurs d’énergie des eaux usées et des pompes à chaleur


Les échangeurs installés par Suez proviennent de l’entreprise Uhrig Energie, 64 mètres d’échangeurs Therm-Liner ont alors été installés dans les égouts parisiens à proximité. 

Les pompes à chaleur ont été installées par Eiffage, qui s’occupe aussi de la maintenance et de la mise en service. Un espace de 15m² a dû être dégagé dans le sous-sol de la mairie pour y installer les pompes à chaleur.

Quelques pannes et une mise en route perturbée 


Concernant les pompes à chaleur, quelques défauts lors de la mise en service ont pu réduire les performances du système. Une mauvaise configuration a mené, dans un premier temps, au déclenchement de la chaudière à gaz avant le déclenchement de la pompe à chaleur. 

La procédure de mise en service pour le passage de l’été à l’hiver a aussi présenté quelques défauts.

Les problématiques de maintenances devraient se régler avec l’internalisation au sein des services de la ville des compétences liés à maintenance dans les prochaines années.

Résultats et coûts 


Installé dans un objectif de réduire les dépenses liées au chauffage de 30%, l’installation remplit pleinement ses objectifs et les dépasse parfois, comme en 2023 avec une économie d’énergie de 45% par rapport à 2019.

Il est toutefois important de noter que depuis l’installation des pompes à chaleur, la politique de sobriété énergétique de la ville au sein de ses bâtiments publics, comme la baisse de la consigne de chauffe à 18°C, a pu aussi jouer un rôle dans ces économies. 

L’ensemble comprenant les études préalables, l’installation d’échangeurs, des pompes à chaleur ainsi que les raccordements nécessaires des réseaux avoisine les 800 000€ HT. 

Une subvention de l’ADEME de 55 000€ a été perçue. 

Co-bénéfices

Co-bénéfices environnementaux :

  • Transition énergétique

Co-bénéfices autres :

Coûts

Un retour d'investissement de 8 ans

  
Pour donner un ordre de grandeur, une installation de 100 kW d’énergie récupérable des échangeurs représente un budget d’environ 100 000€ HT.

Le retour sur investissement en comparaison à un chauffage classique gaz / fioul est d’une durée moyenne de 8 ans, sans parler des économies de CO2 que représente le remplacement d’un chauffage fossile par un chauffage en pompe à chaleur. 

Les aides financières


Ces systèmes s'inscrivent totalement dans le Fond chaleur de l'ADEME qui subventionne ce type d'installation.
Voir notre fiche dédiée pour en savoir plus.

En savoir plus sur les aides financières

Complexité et contexte de mise en oeuvre

Une attention particulière sur l'entretien des pompes à chaleur

La grande majorité des pannes de ce type d'installation proviennent de la pompe à chaleur elle-même. 
Il convient alors de prévoir un contrat de maintenance pour ce type d'installation ou de former ses agents à l'entretien et la mise en service des pompes à chaleur.


Prestataire(s)

  • Uhrig Energie

    Uhrig est une entreprise allemande qui conçoit des échangeurs de chaleur pour récupérer l'énergie des eaux usées. L'entreprise propose de nombreuses solutions pour s'adapter à différentes conditions : en station d'épuration, dans les canalisations, etc. 


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