Végétaliser une dalle à l'occasion de la réfection d'étanchéité : l'exemple du bailleur social Paris Habitat
A l'occasion des travaux d'étanchéité d'une dalle en pied d'immeuble, le bailleur social Paris Habitat a décidé de profiter du chantier pour transformer un parvis très bétonné. Augmentation de la part végétalisée, récupération des eaux pluviales, culture de houblon... on vous présente le projet du 78/82 rue des Couronnes dans le 20e arrondissement de Paris.
Ce projet a vocation à végétaliser une dalle en pied d'immeuble, dans une quartier du 20e arrondissement de Paris pour contribuer à son rafraîchissement et mieux gérer les eaux pluviales.
Points forts
Végétalisation sans irrigation
Coût maîtrisé
Expérimentation d'un revêtement terre-pierre engazonné
Expérimentation d'une bordure d'évaporation grâce à de la récupération d'eaux pluviales
Echanges de services avec les acteurs locaux
Description de la solution
Domaine d'application : Pieds d'immeuble
Maître d'ouvrage : Paris Habitat
Maître d'œuvre : LandFabrik
Sortir du vocabulaire routier
Afin de transformer les 1 200 m² de dalle qui devaient faire l'objet d'une réfection pour cause de fuite dans le parking situé en dessous, Paris Habitat a mandaté l'agence d'architecture et de paysage LandFabrik. Leur objectif était de faire une proposition végétalisée pour rafraîchir l'espace, améliorer le cadre de vie, et "sortir du vocabulaire routier" initial de l'espace.
Ce type de travaux rentre dans les accords-cadres qui lient le bailleur social avec ses prestataires de travaux, mais représente la limite haute de ce qui peut être fait en terme d'ambition et d'expérimentation.
Ce type de projet a pour avantage de faire progresser les prestataires dans leurs pratiques.
Principes de végétalisation mis en œuvre
La difficulté sur ces 1 200 m² de dalle était de végétaliser avec une très faible épaisseur technique de la dalle (seulement 15 à 20 cm).
L'épaisseur du substrat est d'environ 5 cm, et va jusqu'à 15 cm au maximum. La terre a été répartie avec une logique de butte sur les côtés. C'est la hauteur du seuil d'entrée qui a défini la hauteur du substrat.
La terre apportée sur le chantier a été récupérée sur un chantier à proximité.
La végétation plantée a été choisie pour ne pas avoir besoin d'irrigation : c'était une demande explicite du maître d'ouvrage. Ce sont donc des plantes assez résistantes. Il n'y a pas d'arbre planté pour des raisons techniques évidentes, comme le manque de profondeur.
Créer des échanges de services avec les acteurs locaux
Après avoir dressé une cartographie des acteurs locaux, Paris Habitat est allé solliciter plusieurs acteurs pour prendre part au projet.
40 pieds de houblons de trois variétés différentes ont été plantés et sont gérés localement par la Brasserie des Regards. Seul le houblon le long de la grille bénéficie d'un arrosage au goutte à goutte, mais ces plantations ne demandent pas beaucoup d'entretien. Une récolte sera organisée en septembre avec les habitant·es lors d'un moment festif.
Cela permet de faire un échange de service : la Brasserie des Regards peut cultiver du houblon, et Paris Habitat peut compter sur la brasserie des Regards pour entretenir la végétation et limiter les charges d'entretien (à la charge des locataires).
La végétalisation a été réalisée par l'association "Les jardiniers à vélo".
La place de l'eau dans le projet
Installation d'une cuve de récupération des eaux pluviales
Deux cuves de récupération des eaux pluviales de 5 m3 chacune vont être installées en pignon de l'immeuble. Le choix a été fait de la rendre particulièrement visible pour montrer ce qui est fait et valoriser le cycle de l'eau.
Expérimenter une "bordure d'évaporation"
Les eaux pluviales vont servir à humidifier une bordure d'évaporation qui doit servir à rafraîchir l'espace lorsqu'il fait chaud. Cette bordure d'évaporation est low-tech et fonctionne sur un principe d'écoulement gravitaire dans une descente en béton, grattée en son centre. Elle est activée manuellement par le gardien ou un habitant référent formé.
Pas d'infiltration des eaux pluviales sur la dalle
Si les eaux courantes sont en partie absorbées par la surface végétalisée, celle-ci ne permet pas l'infiltration des eaux pluviales. Au même titre, l'eau issue de la bordure d'évaporation finit ici dans le réseau d'assainissement et ne sert pas à irriguer les espaces verts. Le houblon est arrosé avec de l'eau potable.
Les revêtements choisis
Un enrobé clair fabriqué avec des déchets de papeterie a été choisi pour la partie centrale de la voie pompier. Le revêtement n'est pas trop clair afin de ne pas renvoyer les rayons lumineux vers les logements.
Une zone avec un enrobé terre-pierre sur les parties planes des plus grands espaces végétalisés a été créée. Ce revêtement a pour avantage d'être géosourcé et d'avoir une grande capacité de rétention d'eau et de permettre à la végétation de s'y développer.
Ce choix particulier de revêtement a permis de sensibiliser l'entreprise qui a réalisé les travaux.
Continuer de travailler sur l'enveloppe du bâtiment
Pour Paris Habitat, ces travaux doivent s'accompagner de réflexions globales sur la rénovation des logements.
Isolation, installation de volets, toitures...
Les bâtiments du site ont bénéficié d'une isolation thermique par l'extérieur avec du polystyrène il y a quelques années, mais certains d'entre eux ne bénéficient pas de volets au niveau des ouvertures. Or, en période de chaleur, l'apport solaire via les ouvertures est la première source de chaleur dans un logement. Le bailleur social souhaite donc travailler sur un programme de pose de volets sur les balcons notamment.
Paris Habitat a également expérimenté dans un immeuble à proximité une toiture terrasse où a été appliquée une peinture Cool Roof, qui a permis de réduire de 2°C la température dans les logements du dernier étage.
Le bailleur social privilégie néanmoins les toitures terrasses végétalisées quand cela est possible, ou bien l'installation de panneaux solaires ou photovoltaïques. Ces opérations se concrétisent souvent lors des travaux de réfection de l'étanchéité.
Expérimentation de la solution
Retours utilisateurs-rices
Retours des habitant·es
Paris Habitat indique qu'un travail de pédagogie avec les habitant·es est nécessaire pour expliquer les partis-pris du projet, surtout post-travaux.
En effet, la bande avec un revêtement terre-pierre peut laisser penser à certain·es habitant·es que le projet n'est "pas fini" ou "pas propre". Par ailleurs, des flaques peuvent parfois s'y trouver après des précipitations.
Le bailleur social doit donc expliquer aux usagers les avantages du revêtement et pourquoi il est justement intéressant que la végétation s'y développe.
Co-bénéfices
Co-bénéfices environnementaux :
Economie des ressources
Récupération des eaux pluviales
Co-bénéfices autres :
Implication d'un acteur associatif
Tester de nouvelles méthodes avec des majors du BTP
Coûts
Un coût essentiellement dû à la réfection d'étanchéité
Pour ce projet, le coût (réfection d'étanchéité + végétalisation) est estimé à 400 € du m².
C'est la réfection d'étanchéité qui représente le plus gros poste de travaux, en comparaison avec la végétalisation.
Limiter les coûts d'entretien
L'entretien des espaces végétalisés revient in fine à la charge des locataires. Pour éviter que ceux-ci ne soient trop importants, l'échange de services avec des acteurs locaux comme "La Brasserie des Regards" qui prend à sa charge les travaux de récolte de houblon est un bon moyen de faire baisser ce coût.
Complexité et contexte de mise en oeuvre
Vérifier la portance de la dalle
Sur les 1200 m² de dalle, le parti pris a été de ne pas renforcer la portance qui est censée accueillir une voie pompier.
Les cuves de récupération des eaux pluviales ont aussi été calibrées par rapport la portance initiale.
Agence d'architecture et de paysage, LandFabrik existe depuis 2005. C'est le maître d'œuvre du projet. L'Agence est située dans le 20e arrondissement de Paris et a pour parti-pris de s'inspirer de l'écologie naturelle et de la tradition.
La Brasserie des Regards est une micro-brasserie associative située dans le 20e arrondissement de Paris. C'est elle qui entretien les pieds de houblon et en fait les récoltes !
Les jardiniers à vélo propose l'entretien, l'aménagement, la conception, la création de mobiliers sur mesure, des ateliers jardinage... tout cela en se déplaçant à vélo sur le territoire !