Proposer des aides aux particuliers pour accompagner la végétalisation des espaces privés
Certaines collectivités ont mis en place des dispositifs d’aide et d’accompagnement auprès de leurs habitants pour encourager à la végétalisation et la désimperméabilisation des espaces privés, qui représentent un potentiel très intéressant en ville dense. C’est le cas de la Ville de Paris, avec le dispositif CoprOasis, qui accompagne techniquement et financièrement la végétalisation des copropriétés.
Les espaces privés : une opportunité pour participer à la végétalisation urbaine
Dans des villes denses où le foncier disponible est rare, les espaces d’habitation peuvent être mobilisés pour participer à la végétalisation urbaine. Les services écosystémiques rendus par la végétalisation des parcelles privées bénéficieront à leurs occupants mais aussi à la ville de manière plus générale :
La végétalisation en pleine terre permet d’infiltrer les eaux pluviales et de désengorger les réseaux d’assainissement
L’ombre créée par la canopée et l’évapotranspiration des plantes vont créer des ilots de fraîcheur et agir sur le micro-climat local
Les essences plantées participent à préserver la biodiversité en ville
Points forts
Une solution fondée sur la nature qui apporte de multiples co-bénéfices
Intégrer les parcelles privées aux stratégies de végétalisation
Les politiques publiques de végétalisation des villes se développent de plus en plus sur les différents types d’espaces publics (rues, places, cimetière, cours d’école, etc.), mais elles sont parfois confrontées aux contraintes inhérentes à la ville dense : espace saturé, conflit d’usage, réseaux souterrains. Accompagner en parallèle la végétalisation des espaces privés représente donc une opportunité intéressante pour maximiser la présence du végétal en ville. Dans la Métropole du Grand Paris par exemple, plus de 40% de l’espace est occupé par de l’habitat collectif ou individuel (MOS 2021, Institut Paris Région). Les pouvoirs publics peuvent donc intégrer les logements aux stratégies de végétalisation, même si ceux-ci appartiennent à des propriétaires privés ou à des bailleurs sociaux.
Aider financièrement les particuliers dans leurs projets de végétalisation
L’un des leviers essentiels pour inciter et accompagner les habitants à planter et à végétaliser leurs parcelles et habitations est de mettre en place des aides financières et subventions. Cela peut prendre différentes formes :
Contribution financière de la collectivité à l’achat d’arbre
La collectivité peut alléger le coût de la végétalisation en participant à l’achat des plantes, notamment des arbres qui peuvent représenter un budget conséquent.
À Angers par exemple, un bon de plantation d’une valeur maximale de 100 € peut être obtenu pour l’achat d’un arbre. Celui-ci est conditionné à quelques critères :
L’achat doit avoir été réalisée dans une pépinière du département,
L’essence choisie ne doit pas être une espèce invasive (ailante, robinier), une espèce trop sensible au changement climatique (bouleau, hêtre) ou une espèce au système racinaire trop puissant,
L’arbre doit être planté en pleine terre.
La ville fournit également un Guide « Planter mon arbre » qui donne des conseils pour la conception et la mise en œuvre du projet (où planter l’arbre, quelle essence privilégier, comment l’entretenir, etc.).
Dons d’arbres par la collectivité
Certaines collectivités mettent en place des campagnes de dons d’arbres. Cela permet de contrôler les types d’essences et la provenance des arbres financés. La ville de Nogent-sur-Marne donne ainsi un arbre aux particuliers qui en font la demande, après une visite technique pour apprécier la faisabilité du projet et choisir l’essence d’arbre la plus adaptée. L’arbre est ensuite livré et planté par l’entreprise engagée par la ville en présence du demandeur.
Financement des travaux de végétalisation
Les collectivités peuvent également financer les travaux de végétalisation, ce qui permet d’encourager des projets plus conséquents que la simple plantation d’un arbre. C’est le cas par exemple à Paris, avec le dispositif CoprOasis détaillé ci-dessous, ou dans la Métropole de Lyon, où les copropriétaires, bailleurs sociaux, établissements et services médico-sociaux peuvent être aidés dans leurs travaux de végétalisation sur les espaces collectifs en pleine terre. Des conditions sont là aussi définies : la végétalisation doit se faire avec un professionnel du paysage ou une association de protection de l’environnement, la plantation doit être en pleine terre uniquement, et au moins 2 strates végétales doivent être présentes.
Définir des critères pour l’obtention des aides : un moyen de s’assurer de la pérennité du projet
Les aides financières mobilisables par les habitants sont à conditionner à certains critères afin d’assurer des projets les plus vertueux et robustes possibles. Obliger à la plantation en pleine terre est notamment un critère important si l’on veut infiltrer les eaux pluviales à la parcelle et participer à la désimperméabilisation des sols. On peut également par exemple interdire la plantation de certaines espèces jugées trop fragiles ou néfastes (invasives, allergènes, …), ou demander une visite technique.
Accompagner techniquement les particuliers dans leurs projets de végétalisation
Pour encourager et aider les particuliers à végétaliser leurs parcelles, un levier également très important est celui de l’accompagnement technique. Cela permet également de s’assurer de la viabilité des projets.
Préparer les infrastructures requises à la végétalisation
La collectivité peut accompagner les projets en mettant à disposition des particuliers ses ressources humaines et techniques. Certains projets demandent en effet des travaux de mise en œuvre difficilement réalisables par les habitants : câblage des façades pour accueillir des plantes grimpantes, désimperméabilisation des sols, … Dans le cadre du projet « Je Fleuris ma rue », la ville de Metz propose de découper le revêtement du trottoir au pied des murs des habitations si les habitants souhaitent végétaliser leurs façades.
Fournir des conseils adaptés et former les habitants
L’accompagnement des habitants passe également par une transmission des connaissances et compétences nécessaires pour les projets de végétalisation. Cela peut prendre différents formats :
Formations, animation d’ateliers, comme à Brest Métropole où des cours du soir sont dispensés sur le jardinage.
Application pour smartphone, comme Hortilio, un outil pour aider les citoyens dans la création d'un jardin écologique et riche en biodiversité, expérimenté en Essonne.
Pour sensibiliser les habitants au jardinage et les intégrer aux stratégies de végétalisation, il est également possible de mettre à leur disposition des parcelles sur l’espace public, comme c’est par exemple le cas à Paris avec le permis de végétaliser.
Les acteurs du territoire peuvent constituer des relais précieux sur lesquels s’appuyer :
Les associations locales, qui sont directement en contact avec les habitants et peuvent par exemple dispenser des formations
Les entreprises, qui possèdent du foncier et peuvent fournir des espaces à végétaliser
Les CAUE, qui peuvent accompagner les particuliers en leur fournissant des conseils, comme c’est le cas au CAUE de Paris qui dispense ces permanences paysagères mensuelles
Les Agences locales de l’énergie et du climat (ALEC), qui sont déjà en lien avec les habitants pour les accompagner dans la rénovation énergétique de leurs logements
Expérimentation de la solution
Le dispositif CoprOasis de la Ville de Paris, accompagné par l’Agence Parisienne du Climat
La ville de Paris mène une politique active de végétalisation de ses espaces publics. Très dense, la ville a néanmoins peu de foncier disponible et beaucoup de contraintes, notamment souterraines avec le métro. Il était donc important pour la capitale d’accompagner la végétalisation des parcelles privées, et notamment des copropriétés, où se situe un tiers des espaces non bâtis de la ville.
Depuis mars 2023, la Ville de Paris a mis en place le dispositif CoprOasis, afin d’accompagner techniquement et financièrement la végétalisation des copropriétés. C’est l’Agence Parisienne du Climat, Agence Locale de l’Energie et du Climat (ALEC) de la Ville, qui est la porte d’entrée pour accéder au dispositif et accompagner les particuliers dans leur démarche.
En juin 2024, nous nous sommes entretenus avec Eva Rocchia, chargée d’études à l’Agence Parisienne du Climat, qui nous a expliqué la construction et les spécificités du dispositif.
Une évaluation des potentiels de végétalisation pour construire le dispositif
En 2021, la Ville de Paris s’est tournée vers l’Agence Parisienne du Climat pour réfléchir à un dispositif d’aide à la végétalisation des espaces privés adapté à ses habitants. L’Agence Parisienne du Climat, qui possède des données sur les copropriétés parisiennes et des contacts directs avec les copropriétaires, a commencé par réaliser un diagnostic territorial, afin d’estimer les espaces libres et potentiellement végétalisables en copropriété. Cela a également permis de qualifier ces espaces disponibles (taille, typologie, …).
Ce diagnostic, réalisé notamment à partir des données de l’Institut national de l'information géographique (IGN), de l’Atelier parisien d'urbanisme (Apur) et du Registre des copropriétés, a été complété par une phase exploratoire avec des copropriétés inscrites sur la plateforme CoachCopro qui avaient exprimé leur intérêt pour la végétalisation. Des visites et échanges ont ainsi été organisés dans différents types de copropriétés afin de fournir un pré-accompagnement et de confronter les données du diagnostic aux réalités du terrain.
Ces phases de diagnostic et de terrain ont permis de construire un dispositif adapté aux besoins des habitants et aux contraintes des copropriétés parisiennes.
Un dispositif pensé pour être le plus universel possible
En mars 2023, la Ville de Paris a voté le dispositif CoprOasis, un accompagnement technique et financier des copropriétés pour végétaliser leurs cours, toitures et façades, rendre perméables les sols et récupérer les eaux de pluie. Ce dispositif s’adresse spécifiquement aux copropriétés qui ne font pas de rénovation énergétique et ne peuvent donc pas bénéficier des primes Eco-Rénovons Paris+ sur les travaux de désimperméabilisation et de végétalisation. Il a été pensé pour concerner toutes les copropriétés ; aucune surface minimum n’est requise pour en bénéficier. Les aides sont cumulables avec celles de l’Agence de l’Eau Seine Normandie, et des bonus sont possibles pour les copropriétés se trouvant dans des zones carencées en espaces verts ou dans des quartiers prioritaires de la ville (QPV).
Des ambitions fortes sur la gestion des eaux pluviales
Le dispositif CoprOasis est porté par trois directions de la Ville : la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement (DEVE), la Direction du Logement et de l’Habitat (DLH) et la Direction de la Propreté et de l’Eau (DPE). En effet, deux objectifs se cumulent : végétaliser les copropriétés et contribuer à l’infiltration des eaux pluviales. Ainsi, tout projet visant à perméabiliser les sols, récupérer et valoriser les eaux de pluies et/ou végétaliser au sein d’une copropriété est éligible.
La gestion des eaux de pluies courantes est l’un des critères minimums pour obtenir l’aide sur la végétalisation des cours, et une bonification de 10% est possible si le projet permet de gérer les pluies fortes et/ou de déconnecter les gouttières. Des cuves de stockage des eaux de pluie peuvent également être financées, à hauteur de 500 €.
Un accompagnement technique par l’Agence Parisienne du Climat
L’Agence Parisienne du Climat, guichet unique de la rénovation des copropriétés à Paris, a été désignée comme porte d’entrée pour accéder à CoprOasis. Comme pour les aides à la rénovation énergétique, la copropriété doit s’inscrire sur coachcopro.com, la plateforme nationale d’accompagnement des projets de copropriété.
L’ALEC s’occupe donc de l’accompagnement technique des copropriétaires et des professionnels de la végétalisation. Elle fournit un service neutre, gratuit et indépendant, donne des informations et conseils, met à disposition un annuaire de professionnels et accompagne les copropriétaires dans la mobilisation des aides. Avec la ville, l’Agence Parisienne du Climat se charge également de communiquer autour du dispositif, de sensibiliser les copropriétaires et de former les professionnels, à travers des réunions publiques et des webinaires réguliers.
Les aides financières mises en place
C’est la Ville de Paris qui fournit les aides financières :
Pour la réalisation des études de faisabilité et de conception : 5 000 € forfaitaires pour des études d’avant-projet sur une cour ou une toiture terrasse ; 10 000 € forfaitaires si deux projets sont menés (toiture terrasse et cour).
Pour la réalisation des travaux : jusqu’à 80 % des travaux de végétalisation financés, dans la limite de 30 000 €.
Retours utilisateurs-rices
Une première cour d’immeuble « CoprOasis » dans le 12ᵉ arrondissement
Un peu plus d’un an après la mise en place du dispositif CoprOasis, une dizaine de copropriétés ont effectué une demande de subventions, en plus d’une dizaine intégrée au programme Eco-rénovons Paris+ qui souhaitent végétaliser en parallèle de leur rénovation énergétique. Au total, ce sont 200 copropriétés qui sont intéressées, dont 80 par le dispositif CoprOasis car elles ne souhaitent pas faire de rénovation énergétique.
Santé & environnement (pollution de l’air, pollution sonore)
Co-bénéfices autres :
Sensibilisation à la nature
Création de liens entre les voisin·nes
Coûts
Il existe différents moyens d’encourager la végétalisation des parcelles privées, les coûts sont donc très variables. En fonction de ses objectifs et moyens, la collectivité peut construire le dispositif le plus adapté pour elle et ses habitants. En plus de l’aide financière possible, l’accompagnement technique va également générer un coût supplémentaire à prendre en compte.
Les aides financières proposées peuvent être complétées par d’autres organismes, notamment les Agences de l’Eau lorsque les projets participent à la désimperméabilisation des sols.
Les projets de végétalisation peuvent être techniques et complexes, et il convient donc d’accompagner les habitants dans leur démarche en plus de fournir une aide financière, également pour que les projets réalisés soient les plus vertueux et robustes possibles.
Prestataire(s)
Site(s) pilote(s)
Contact(s)
Eva Rocchia
Chargée d’études
Agence Parisienne du Climat
