Cette stratégie doit s’accompagner d’une autre démarche pour limiter la raréfaction de la ressource en eau, en favorisant la pleine terre, condition indispensable sur le long terme pour maintenir les arbres et les bénéfices qu’ils peuvent apporter.
La Division Expertises Sol et Végétal dirige actuellement une étude intitulée « Arbres et Climat » qui étudie le comportement de neuf essences d’arbres. En quelques mots, pouvez-vous nous dire à quoi permettra de répondre cette expérimentation ?
Mathilde Renard : L’objectif est de mieux comprendre et de comparer la façon dont les essences d’arbres résistent aux périodes de sécheresse, et quel peut être leur capacité à rafraichir, et donc à améliorer le confort thermique à proximité en cas de canicule.
36 arbres ont été équipés avec 3 ensembles d’instruments permettant de mesurer :
- Des données microclimatiques (température, vents, humidité) qui permettront d’évaluer le confort thermique apporté par les arbres
- Des données sur le comportement physiologique des arbres, permettant d’évaluer la résistance à la sécheresse des essences étudiées, et leur potentiel de rafraichissement
- Des données d’images 3D sur les formes et densité des houppiers, afin d’évaluer la qualité et la contribution de l’ombrage au rafraichissement.
Les choix en termes de végétation peuvent parfois poser des enjeux contradictoires, comment arriver à faire consensus ?
Mathilde Renard : Il faut probablement miser sur la diversité des solutions, adaptées aux contextes et aux usages…
On peut miser sur la capacité des végétaux à rafraîchir sur certains espaces où les eaux de ruissellement peuvent être concentrées, et ainsi sélectionner des espèces peut-être moins résistantes à la sécheresse. A l’inverse, d’autres espaces plus contraints, sur dalle ou très exposés, peuvent être aménagés avec des végétaux plus résistants, à faible impact rafraîchissant mais permettant tout de même la rétention d’une partie des eaux de pluie, et une limitation de l’effet d’accumulation de la chaleur. La végétalisation peut aussi être associée à d’autres solutions (ombrières, choix des matériaux, etc.)
Comment allier la question de la préservation de la ressource en eau, et l’arrosage des plantes en été à Paris ?
Mathilde Renard: C’est un véritable enjeu en effet, et les études que nous menons portent plutôt sur les effets de la raréfaction de la ressource en eau. Cependant, les projets de végétalisation de l’espace public visant à désimperméabiliser les sols et à augmenter les espaces de pleine terre répondent à ce double enjeu de préservation de la ressource tout en permettant de placer les arbres et la végétation dans des conditions favorables, en optimisant ainsi les bénéfices qu’ils peuvent apporter.
Pour finir, pouvez-vous nous dire quelques mots de l’outil SESAME, qui vise à aider les acteur·rices à choisir les bonnes essences d’arbres à planter ?
En effet, l’étude vise, sur la base d’une large bibliographie scientifique, à évaluer les services rendus par les essences d’arbres, en établissant des indices permettant de les quantifier et de comparer les essences entre elles, et révélant les points forts de chacune des essences. Cet outil est intéressant parce que l’évaluation porte à la fois sur les services rendus (biodiversité, contribution à la régulation du climat, etc.), mais aussi sur les contraintes que certaines essences peuvent apporter (pollens allergisants, racine puissantes, etc.), ce qui le rend adapté au contexte urbain et aux problématiques des gestionnaires. Il ajoute enfin une dimension spatiale et paysagère, démontrant que chaque espèce est plus ou moins adaptée aux différents paysages urbains, invitant ainsi à sélectionner la bonne essence au bon endroit.
Cet outil sera adapté au contexte francilien en 2021. L’adaptation de l'étude permettra d’élargir l’évaluation à une centaine d’essences d’arbres, d’ajouter certains services comme la contribution à la régulation des eaux de ruissellement ou le stockage de carbone, et enfin d’adapter la typologie d’espaces inclus dans l’étude.