Article publié le 22 septembre 2021
En 2012, un premier rapport avait permis d’identifier les forces et les faiblesses du territoires face aux impacts du changement climatique. La Ville de Paris a souhaité mettre à jour cette étude afin de mettre en avant les nouvelles projections climatiques pour le 21e siècle à Paris, mieux comprendre leurs conséquences et identifier les meilleurs leviers de mobilisation pour adapter la Ville de Paris aux changements climatiques.
De nouvelles données climatiques prises en compte
Alors qu’à Paris, on constate déjà une augmentation de 2 °C de température moyenne depuis la fin du XIXe siècle (Météo-France), que des records de températures ont été relevés en 2019 et qu’en 2016, des fortes pluies ont provoqué des inondations avec de graves conséquences, les scénarios climatiques pris en compte par le cabinet Ramboll dans cette étude (issus de la contribution française au rapport du GIEC et de données Météo-France) prévoient une évolution des épisodes caniculaires, en fréquence et en intensité.
L'étude estime ainsi que ce qui était prévu pour 2050 dans le précédent diagnostic, pourrait arriver dès 2030 : un été comme celui de 2003 ne serait pas la norme d'ici la moitié du siècle mais d'ici seulement une dizaine d'années, avec des pics de chaleur potentiellement plus élevés que ceux déjà subis en 2019 (record de température maximale atteint le 25 juillet 2019 avec 42,6 °C dans le Parc Montsouris... à l'ombre) pouvant atteindre les 50 °C.
On passerait d'environ 14 jours caniculaires par an (plus de 30 °C) en 2010 à 20 jours en moyenne en 2030 et 22 jours en 2050. Les épisodes de pluie devraient être plus rares, mais plus intenses.
Les nuits tropicales (où la température ne baisse pas sous les 20 degrés) devraient quant à elles être multipliées par trois d’ici à 2030 pour atteindre environ 17 nuits.
Le risque de crue centennale (qui a une chance sur 100 de se produire chaque année) dans un scénario intermédiaire d’évolution des gaz à effet de serre serait 40 % plus élevé et le risque de crue décennale (une chance sur 10 de se produire chaque année) 20 % plus élevé.
10 % des sols seraient aussi plus secs en été d'ici 2050.
Au regard des nouveaux scénarios, l’étude témoigne ainsi de l’importance d’adapter la Ville rapidement afin de faire face aux risques possibles, dans tous les domaines.
Néanmoins, l’étude rappelle que Paris, de par sa géolocalisation et les projections climatiques prises en compte, semble plutôt « préservée » des épisodes de grands froids, de neige et de verglas qui devraient être moins fréquents. Le changement climatique ne devrait pas non plus entraîner de conséquences sur la fréquence et l’intensité des mouvements de terrain ou des tempêtes à Paris.
Un risque en hausse face aux évolutions du climat
L’eau et la biodiversité : deux ressources à préserver
L’étude pointe le déclin de la biodiversité en Ile-de-France, qui ne devrait pas être enrayé d’ici 2050 ni en fin de siècle malgré les mesures de reconquête de la nature en ville. En causes : un milieu peu favorable, des espaces de vie fragmentés, des pollutions variées…
A partir de 2050, l’eau risque également d’être soumise à des tensions. En causes : une augmentation de la consommation, une température plus élevée de la Seine entraînant plus d’évaporation et des risques de pollution, une diminution des débits des cours d’eau.
La biodiversité et l’eau sont pourtant indispensables pour s’adapter au changement climatique : elles sont interconnectées, permettent de rafraîchir la ville, les usager·ères, et offrent de nombreux autres services écosystémiques.
Des réseaux relativement robustes pour le moment mais qui peuvent s’avérer vulnérables
Bien que les réseaux d’eau, d’électricité, de gaz, de froid, de chaleur sont à Paris considérés comme robustes (réseaux enterrés pour la plupart, non soumis aux tempêtes), certains réseaux peuvent être sensibles à la chaleur : c’est le cas du réseau d’électricité lorsqu’il est sursollicité, comme cela pourrait être le cas avec l’augmentation de la climatisation en été. L’étude pointe aussi les risques liés à la chaleur sur les boitiers de jonction du réseau d’électricité.
De plus, alors que les usages s’électrifient, une inondation du réseau électrique ou du réseau de chaleur pourrait aussi entraîner la privation de bon nombre d’usager·ères de ces sources d’énergie. Hormis pour les grands froids et les épisodes de neige ou de verglas, les indicateurs indiquent un risque à 2050 en hausse pour tous les types de réseau face aux différents aléas : des points de vigilance à prendre en compte dès aujourd’hui.
Méthodologie de l'étude
En partant d’une modélisation du climat à Paris selon différents scénarios impliquant une évolution de la disponibilité de ressources stratégiques (air, énergie, alimentation, eau, biodiversité) et la modification de l’intensité et de l’occurrence de dix aléas climatiques différents, l’étude évalue les risques engendrés par ces changements sur les « systèmes stratégiques » qui composent la ville.
Les aléas climatiques pris en compte sont :
- Les températures moyennes
- Les canicules
- Neige et verglas
- Grands froids
- Tempêtes
- Précipitations moyennes
- Fortes pluies
- Sécheresse au sol
- Inondations
- Mouvements de terrain
Avec le changement climatique, ces aléas ont plus ou moins de chance de se produire, plus ou moins intensément. L’étude regarde ensuite les conséquences de ces évolutions sur différents « systèmes » à qui on fait subir des sortes de « crash-test ». Ces systèmes sont :
- les réseaux énergétiques
- les réseaux du cycle de l’eau
- le cadre urbain
- le système de santé
- les transports
- les activités économiques
Ces systèmes sont tous interconnectés, on parle aussi d’effet domino : si les transports sont affectés par une inondation, une canicule, cela peut entraîner des conséquences sur l’approvisionnement alimentaire, la collecte des déchets, etc.
Les canicules et les inondations : risques majeurs à Paris
A Paris, les personnes (santé, travailleur·euses, touristes) sont particulièrement sensibles aux canicules. Ces dernières peuvent aussi engendrer une sursollicitation du réseau électrique ou du réseau de froid, mettre à mal la biodiversité, le système de santé, etc. Pour enrayer le phénomène, il faut agir dès maintenant en améliorant la prise en compte du confort d’été dans les bâtiments, multiplier les îlots de fraîcheur et travailler sur le changement des habitudes.
Les inondations, en immergeant des lieux stratégiques pour le bon fonctionnement des transports, de l’approvisionnement en énergie, ou pour l’organisation de la ville sont également une préoccupation majeure pointée dans le rapport. En cas de crue centennale, il pourrait être impossible de traverser Paris autrement que par le périphérique. De plus, les coûts liés aux dommages causés par ces événements pourraient s’avérer colossaux.
Quelles réponses apporter ?
L’étude montre que s’il est possible d’ajuster de nombreux systèmes pour faire face à de nouveaux risques avec des leviers technologiques ou réglementaires, l’évolution des modes de vie s’avère également un pilier important pour vivre dans un climat changeant.
Par ailleurs, les solutions fondées sur le développement de la nature en ville sont identifiées comme étant « les meilleures armes » pour faire face aux évolutions du climat, pour éviter de saturer les réseaux d’assainissement en cas de fortes pluies, préserver la ressource en eau, remettre de la nature en ville et réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain… Ce sont autant d’enjeux que la Ville de Paris souhaite intégrer encore davantage dans ses pratiques et ses actions, notamment dans le cadre de la révision en cours de son plan local d’urbanisme.
C'est aussi l'objet des objectifs de
végétalisation de l'espace public déployés durant cette nouvelle mandature, qui viennent compléter d'autres actions entreprises par la Ville depuis de nombreuses années dans le cadre du plan climat et autres plans stratégiques (désimperméabilisation du territoire, renforcement de la place de l'eau, rénovation des bâtiments, etc.).
Pour aller plus vite et protéger les citoyen·nes des vagues de chaleur, la Ville de Paris, envisage aussi l'installation d'ombrières là où ce n'est pas possible de planter, un plan "volets" dans les programmes d'éco-rénovation, le déploiement du réseau de froid dans certains établissements sensibles comme les hôpitaux, ou encore la recherche d'alternatives à la climatisation individuelle. Enfin pour anticiper et se préparer à la gestion de crises climatiques, elle envisage d'organiser un stress-test de Paris sous un pic de chaleur à 50 °C avec les services de l'Etat comme cela avait été organisé en 2016 pour une crue majeure.
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