Retour sur la visite du cimetière végétalisé de Montreuil
Dans le cadre du programme d’animation territoriale d’AdaptaVille, l’Agence Parisienne du Climat a organisé le 25 avril dernier la visite du cimetière de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Les 40 professionnel·les présents ont pu bénéficier de l’expertise de l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France et du retour d’expérience des agents du cimetière de la Ville de Montreuil, qui travaillent à sa végétalisation depuis 10 ans. Directement sur site, paysagistes, architectes, agent·es et élu·es de collectivités franciliennes ont pu s’inspirer, échanger et poser leurs questions.
Des espaces intéressants pour développer la nature en ville
Comme l’a souligné Jonathan Flandin, Directeur de l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB ÎdF), les cimetières constituent une opportunité de récréer des espaces de nature à part entière dans l’existant, notamment dans des contextes urbains fragmentés et pollués. Par des mesures d’aménagement adaptées et de végétalisation, les cimetières peuvent devenir des lieux propices à l’accueil de la biodiversité, mais aussi participer à la réponse aux enjeux d’îlots de chaleur urbains, de gestion des eaux pluviales et d’amélioration du cadre de vie.
« L'idée est de garder l'usage premier du cimetière, qui est un lieu de recueillement, et de trouver de nouveaux usages pour ces espaces en travaillant sur les enjeux de biodiversité et d'adaptation au changement climatique. » – Jonathan Flandin, Directeur de l’ARB ÎdF
Depuis 2020, l’ARB ÎdF et ses partenaires étudient 45 cimetières franciliens, avec pour objectif d’améliorer la connaissance de la faune et la flore présentes dans ces espaces. Les premiers résultats de l’étude « Cimetières vivants » montrent que, pour favoriser l’accueil de la biodiversité, il est notamment important de diversifier la végétation :
Diversifier les strates : herbacée, arbustive, arborée.
Privilégier les espèces locales, qui favorisent les interactions avec la faune locale et sont adaptées de manière naturelle au climat.
Diversifier les essences plantées et semées pour favoriser la résilience face au changement climatique et offrir une opportunité plus large de ressources alimentaires pour la faune sauvage.
La végétalisation d’un cimetière est donc l’occasion de refaire de la nature tout en travaillant aux enjeux de biodiversité et d’adaptation au changement climatique.
« Un cimetière pour les vivants »
La Ville de Montreuil a ensuite présenté les actions qu’elle mène au sein de son cimetière depuis 2013. Florian Vigneron, adjoint délégué aux affaires sociales, aux solidarités et au cimetière, a commencé par souligner la nécessité d’avoir une volonté politique de la part des élu·es pour lancer un tel projet au sein d’une commune.
Les aménagements réalisés à Montreuil : désimperméabilisation, enherbement, plantations d’arbres, mur végétalisé…
Dans le cimetière, Thierry Manteau, référent technique du cimetière et son équipe, qui compte actuellement 5 agents techniques, nous ont présenté le travail de végétalisation réalisé depuis 10 ans. L’aménagement et l’entretien de ce cimetière de 12 hectares demandent en effet des moyens humains importants : les agents parcourent environ 10 km par jour.
Il y a 10 ans, « il n’y avait pas un brin d’herbe ». Au fur et à mesure des années, les dalles de ciment qui se trouvaient entre les tombes sont retirées. « Ce sont des centaines de tonnes qu’on enlève ».
Après un apport léger de terre végétale (quelques centimètres), et à certains endroits de grave calcaire lorsque des sources se trouvent en dessous, ces allées sont enherbées.
Plusieurs techniques ont été testées au fil du temps, montrant toutes des résultats satisfaisants :
Le semis
L’hydromulching, qui consiste à pulvériser avec une machine de l’eau, des fertilisants, des semences et un substrat à base de fibres végétales. Cette technique a été utilisée notamment au démarrage du projet, car elle permet d’assurer que l’herbe pousse, que les oiseaux ne mangent pas les semis et qu’on puisse marcher directement dessus. Elle est donc intéressante pour que le public puisse rapidement apprécier la végétalisation du cimetière.
L’enherbement naturel : c’est ce que l’équipe privilégie désormais, sauf à certains endroits qui nécessitent que la pousse soit très rapide afin que le public puisse y marcher.
Le trèfle a été choisi comme plante couvre-sol dans beaucoup d’espaces, car il résiste bien au piétinement et demande peu d’entretien.
Des arbres ont été plantés, dont 140 financés dans le cadre du Plan 20 000 arbres d’Est Ensemble en 2023-2024. Les essences sont diverses, afin de les rendre plus résilientes et d’éviter le traumatisme de toutes les abattre, si une maladie venait à les toucher. Des systèmes anti-racinaires ont été installés pour les arbres plantés proches des tombes.
L’équipe a également entrepris récemment la végétalisation du mur d’enceinte du cimetière : les agents ont retiré le ciment et décaissé, ils ont enterré les câbles électriques des caméras de vidéosurveillance, ont ajouté de la terre et ont planté des plantes grimpantes.
Pour favoriser la faune, une vingtaine de nichoirs ont été posés et 12 ruches sont présentes sur le cimetière.
Adapter les modes de gestion
Afin de favoriser la biodiversité, les techniques de gestion ont aussi évoluées au fil du temps, en commençant par l’arrêt de l’utilisation de produits phytosanitaires, avant même que la règlementation ne l’impose. Les équipes pratiquent la tonte mulching (sans ramassage de l’herbe). Elles tondent moins à ras qu’avant, même si elles ne laissent pas les herbes hautes dans les allées, car cela ne serait pas accepté par la population. Sur les talus, où personne ne marche, les herbes ne sont, par contre, plus tondues. La taille des arbres a été arrêtée pour les sujets ne présentant pas de contraintes, qui sont désormais laissés en port libre.
« Au début, on s’est fait incendier »
Au début du projet, lorsque l’équipe a commencé à retirer les dalles dans les allées, les visiteur·euses étaient très mécontents. Aujourd’hui pourtant, la Ville reçoit beaucoup de retours positifs et de remerciements de la part de la population, qui trouve que la végétation met en valeur les monuments et permet un cadre agréable, « mais il a fallu 10 ans ».
L’acceptation de la population est en effet souvent le frein le plus important à la végétalisation d’un cimetière, lieu pour lequel les usagers sont très sensibles à l’entretien. La communication avec les habitant·es et familles est donc indispensable.
À Montreuil, le Maire a notamment initié la création d’une page Facebook dédiée aux aménagements du cimetière.
« Si le cimetière passait par une entreprise privée, il n'y aurait pas ce résultat »
Pour la Ville de Montreuil, la qualité du projet a été permise notamment grâce à la gestion faite en interne, avec une équipe de 6 agents techniques dédiée au cimetière. C’est un travail qui demande beaucoup de temps, avec par exemple 27 kilomètres d’allées à tondre, mais les agents retirent une satisfaction de voir les aménagements qu’ils réalisent se concrétiser et s’appliquent donc à les entretenir.
Cela a également permis aux agents de devenir très polyvalents. Leurs fiches de poste ont évolué avec les aménagements, pour valoriser leurs nouvelles compétences : ils ont été formés à la conduite d’engins pour déminéraliser le sol, à la tonte, la taille, la plantation, la maçonnerie…
La Ville a dû investir dans des formations et dans l’achat de machines (tondeuses, débroussailleuses, bétonnière…), mais cela a permis de faire des économies sur d’autres plans, en ne passant que très peu par des entreprises externes pour réaliser les aménagements et l’entretien.
Pour la Ville, c’est aussi ce temps long qui a permis sa réussite et son acceptation.
À votre tour de passer à l’action !
Le succès qu'a eu la visite du 25 avril, avec notamment 10 collectivités franciliennes représentées parmi les personnes présentes, montre que la végétalisation des cimetières est un sujet dont les collectivités locales se saisissent de plus en plus.
L’Agence Parisienne du Climat remercie vivement la Ville de Montreuil pour son accueil et le partage de son retour d’expérience, et l’ARB ÎdF pour son expertise, qui contribueront à outiller les acteurs locaux pour la végétalisation des cimetières sur leur territoire ou dans ceux qu’ils accompagnent !
Pour plus d’informations sur la désimperméabilisation et la végétalisation des cimetières :